Témoignage : une histoire d'allaitement non écourté

Ces lignes retracent les deux premières années de mon aventure d'allaitement. A ce jour, mon fils a 4 ans et demi, et l'allaitement se termine doucement ♥️

Décider d'allaiter & s'émanciper de son histoire familiale

J’ai grandi dans une famille où l’allaitement n’avait pas sa place. Mon histoire familiale raconte une grand mère maternelle arrivée au mauvais moment. Elle dormait dans un tiroir en guise de berceau, et était gardée par une nourrice aigrie qui la ramenait toutes les trois heures au sein de sa mère, toujours un peu trop occupée par son magasin. Cette enfant là traversa l’horreur de la guerre adolescente, puis rencontra son mari au sanatorium. Ils eurent deux filles : ma mère, puis ma tante. Ont elles été allaités ? Probablement pas. Notre histoire ne le dit pas, elle évoque simplement une enfance dans la violence des paroles, des coups, de l’inceste.

Quand ma mère est devenue mère, allaiter était inconcevable, le biberon : une évidence. Peut-on parler de choix éclairé chez une femme victime de son histoire familiale et ayant grandi dans une société où le patriarcat est roi ? Elle évoque tour à tour son côté féministe qui pronaît la liberté des mères de ne pas être l’esclave de leur enfant, et l’hypersexualisation de sa poitrine, qu’elle n’aurait pas pu mettre dans la bouche de son nouveau né. Je me suis longtemps raconté les mêmes histoires. La frontière entre mes pensées et les siennes étaient si minces ! Bien sur que j’allais donner le biberon ! Pas touche à mes seins !

A vingt-cinq ans, j’entame sans le savoir une reconnexion au monde. Je prends conscience des enjeux écologiques, modifie mon alimentation, puis toute ma consommation. J’apprends le vrai sens du mot valeur et me surprends à découvrir les miennes : respect, équilibre, intégrité, liberté… Je définis les contours de la femme qui sommeille en moi. Et quand je tombe enceinte, l’ancienne version de moi même vole en éclat ! Accoucher naturellement, puis allaiter : cela s’impose à moi. Ce besoin irrepressible de me connecter à mon corps de femme, et à sa toute puissance. Et d’offrir ce qu’a prévu la nature à mon enfant : le meilleur.

Je n’avais jamais vu une femme allaiter. Enfin si, une fois : une collègue qui nous avait présenté son bébé au parc, on était entre femmes, elle utilisait des bouts de sein en silicone car son bébé avait du mal à téter. J’avais ressenti un mélange d’admiration et de gêne, je ne savais plus comment la regarder, si j’avais le droit  de regarder son bébé qui tétait, j’étais très mal à l’aise. Alors quand cette décision d’allaiter mon fils s’est présentée à moi, je savais qu’il fallait que je me prépare. L’allaitement, c’est naturel, mais pas inné. Pendant mon troisième trimestre de grossesse, j’ai fait des ateliers sur l’allaitement, en plus de la séance prévue pendant la préparation à la naissance. J’ai acquis les connaissances de base et j’ai reçu lors de ces séances un conseil qui a été clef dans la mise en place de mon allaitement : “Veillez à bien retrousser les lèvres du bébés sur le sein, car il ne doit pas pincer, sinon c’est douloureux, et les crevasses apparaissent rapidement”. Puis je me suis équipée : coussin d’allaitement, débardeurs, brassières, tisane, beurre de karité brut, coussinets, bouts de seins. Le numéro de Tire-lait express et de ma sage-femme. Et j’ai tout mis dans ma valise de maternité. Au cas où. J’ai aussi suivi des comptes merveilleux sur les réseaux sociaux comme @camille.lolohelpeuse, @apasdemoa, @tt.en.tt, pour n’en citer que quelques uns, qui ont été à la fois une source d’informations essentielles et un véritable soutien.

Les premières tétées, un allaitement sans encombre

C’est un mercredi de mai 2019 que Léonard choisit pour pointer le bout de son nez. Une belle journée à la fois fraiche et ensoleillée. Les premières heures de sa vie sont floues dans ma tête. Un sentiment de puissance infinie s’empare de moi, je vole entre deux mondes, je suis là, mais ailleurs. La première tétée est un échec. Léonard n’arrive pas à prendre le sein, mais il est calme et nous restons longtemps en peau à peau. Je savoure ces premiers instants.

Quand il se réveille dans notre chambre au petit matin, il a faim ! On essaye à nouveau, il pince, j’ai mal, j’ai peur. Puis je me souviens de ce conseil de ma sage-femme sur les lèvres à retrousser : c’est un vrai miracle ! Je dois rectifier très régulièrement sa position, à chaque mise au sein, sinon la douleur revient. Les équipes médicales sont aux petits soins malgré leur manque de moyens. Sauf cette kiné aigrie, qui vient osculter mon bébé de deux jours. Il hurle, et elle, me hurle dessus : “Mais enfin, cet enfant a faim ! Donnez lui un biberon !” J’aurais pu douter de moi, on est si vulnérable en tant que jeune mère, mais à ce moment là, j’avais encore en moi ce sentiment de toute puissance. Je l’ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit de finir vite fait son travail pour que je puisse remettre mon bébé au sein.

La chance continue de me sourire les jours qui suivent : la montée de lait est impressionnante, mais non douloureuse. Je déguste chaque moment collé à mon bébé, le nourrissant de mon lait. Je tisse à chaque tétée ce lien lacté animal,  ce lien si fort, qui m’aide à apprivoiser mon nouveau rôle de maman. Mon mari est très présent, il est indépendant et ne travaillera pas beaucoup les trois premiers mois. Il veut profiter des premiers instants. Il change toutes les couches, donne les bains, et porte son fils des heures en écharpe. Il me soutient, il nous regarde et me dit qu’on est si beaux tous les deux !

A quinze jours de vie, Léonard semble souffrir du ventre : il a beaucoup de gaz, gigote, pleure. Je prends la décision de supprimer les produits laitiers de mon alimentation pour quelques semaines, pour voir si il arrive mieux à digérer mon lait. Puis un érythème fessier apparait : je supprime le chocolat, le vinaigre, les agrumes. Tout ce qui rend les selles acides selon la pédiatre. Encore une fois, Martin me soutient, il me fait confiance. Léonard se sent mieux.

Quelques péripéties... biopsie & baisse de lactation

Nous passons un été merveilleux ! Très vite je ne compte plus les tétées, ni quel sein je donne. J’apprends à me faire confiance, à écouter ce corps qui sait tant de choses. La prise de poids est bonne, je n’ai aucune douleur, du lait en quantité impressionnante : je mesure ma chance quand je lis d’autres témoignages sur les réseaux. Et surtout quand je partage mon aventure de la maternité avec une amie, qui a accouché trois semaines après moi et qui a vu son coeur brisé en devant écourter son allaitement à cause de la douleur et du stress. Je me sentais si impuissante face à son expérience, si différente de la mienne ! J’ai essayé d’aider, et de soutenir cette jeune mère, dans chacun de ses choix. On a créé des liens forts, et j’ai découvert à ce moment la ce que signifiait la sororité !

A la fin de l’été, suite à la découverte d’une boule dans mon sein gauche, je passe une échographie, puis une microbiopsie. Quand je vois l’engin qui va traverser mon sein, je suis tétanisée. J’ai peur pour mon allaitement, et j’ai peur pour ma vie. Et si c’était le début d’un combat contre une saleté de maladie ? En rentrant chez moi, mon pansement est imbibé de lait, je dois le changer toutes les heures. Du lait sort par le trou, mélangé à du sang, et ça dure plusieurs jours. Je fais quand même téter Léonard sur mon sein abimé, j’essaye de lui expliquer le pansement, le sang, qu’il ne faut pas s’inquiéter, mais je suis morte de trouille en attendant les résultats, et je sais bien qu’il le ressent. Je culpabilise. Toutes ces émotions désagréables font baisser ma lactation, je suis terrifiée à l’idée que tout s’arrête d’un coup. Alors j’entame une babymoon, je reste collée à mon bébé, on abuse du peau à peau, du portage, des tétées affalés dans le lit ou sur le canapé. Je bois ma tisane, je mange des amandes. Puis les résultats tombent : c’est un galactocèle. Soulagement. Immense. Je continue ma babymoon, et ma lactation revient comme avant, même si je remarque que mes seins sont plus souples. Heureusement cela ne m’inquiète pas car je sais aussi que Léonard a trois mois et demi, et que ma production de lait se modifie pour passer en autocrine. Savoir, c’est pouvoir.

Allaitement, réveils nocturnes et reprise du travail

Léonard qui dormait plutôt bien la nuit commence à se réveiller beaucoup. Huit, dix réveils, mais je tiens le coup. Il se rendort au sein. Martin me soutient, prend le relai quand j’en ai besoin, mais il reprend aussi une activité professionnelle plus intense, avec des déplacements réguliers, et je me retrouve un peu seule la journée une fois l’été passé. Les réveils continuent, et en novembre, je craque : je suis au bout du rouleau, la fatigue me rattrappe. Martin répond présent, et il n’est jamais question d’arrêter l’allaitement. Je ne crois pas au mythe du bébé biberonné qui dort mieux. Et puis allaiter, c’est mon premier vrai choix en tant que femme, en tant que mère, il est hors de question de revenir dessus. Hors de question. Nous mettons en place une nouvelle routine, pour que Léonard ne s’endorme plus au sein, mais dans les bras de son père. Cela se met en place assez facilement, mais Léonard se réveille toujours autant, et cherche toujours le sein pour se rendormir.

Les fêtes de Noël se passent bien, Léonard fête ses 7 mois. La reprise du travail approche, et elle ne se fera pas en douceur : je démarre avec un séminaire de 48h à Lisbonne. Je vais devoir laisser mon bébé. 48h. Alors pendant les vacances, on reteste le biberon, et la chance répond à nouveau présente, car il l’accepte plutôt bien. Le stress monte à la rentrée, l’adaptation en crèche se passe plutôt bien même si il ne dort presque pas, et  qu’il boit assez peu. La journée, je dois faire des réserves pour ma future absence, je tire mon lait plusieurs fois par jour pour avoir 2L de réserves.  

Ce matin là, je pars à pas de loup à 6h du matin direction l’aéroport. Mes collègues sont en joie. Moi je n’ai qu’une envie : rebrousser chemin. Pendant deux jours je tire mon lait quand je peux, où je peux : chambre d’hotel, toilettes de l’aéroport. La réglementation et la logistique pour rapporter mon lait est trop compliquée, je suis obligée de tout jeter, ça me fait mal au coeur.

La semaine suivante, je reprends la routine du bureau. J’ai prévenu mes employeurs que je dois tirer mon lait. J’emmène un sac à dos avec mon tire-lait, ma glacière et mes biberons. Je le fais sur la pause de midi, à mon bureau. J’ai prévenu les collègues aussi : je ne me cacherai pas dans le cagibi ou dans les toilettes. J’arrive à tirer jusqu’à 300ml par jour, c’est suffisant ! J’adopte cette routine pendant deux mois, puis le confinement nous tombe dessus et nous permet de retrouver les tétées au sein, à la demande. Mais les nuits sont toujours désastreuses, et la fatigue tenace. Début juin, Léonard reprend la crèche et je continue de tirer mon lait. Un an d’allaitement déjà ! Cela s’est fait si naturellement, je n’ai jamais eu d’objectif de temps. Tant qu’on peut, on continue cette belle aventure !

Larmes et sevrage nocturne · Allaiter un bambin

Les endormissement et les nuits sont vraiment de plus en plus difficiles. On se fait accompagner, on cherche des solutions. Léonard approche des 15 mois. Martin commence à évoquer le sevrage nocturne, mais je ne suis pas prête. Et cela me met en colère : ce serait à cause de l’allaitement qu’on aurait des nuits pourries ? Je ne suis pas d’accord, il y a autre chose. J’entame une thérapie, un travail sur moi même en quête de sérénité intérieure, qui m’aide énormément. On teste aussi la kinésiologie, la micro-kiné, l’ostéopathie, je fais une éviction totale des protéines de lait de vache et consulte un gastro-pédiatre, mais ça ne donne rien.

Je quitte mon emploi toxique, j’entame un parcours de reconversion. Je remets les pendules à zéro. Léonard dort toujours mal, il s’endort à nouveau au sein, mais la tétée ne suffit plus pour le rendormir, la situation se complexifie, je développe une vraie aversion lorsqu’il tripote l’autre téton, ça me bouleverse, et puis la fatigue est de plus en plus intense. On dissocie à nouveau l’endormissement du sein, puis j’accepte de laisser Martin gérer une partie de la nuit. C’est difficile pour lui, pour Léonard, et pour moi. Je pleure dans mon lit en entendant Léonard me réclamer. On verbalise, on le rassure, son père prend ma place dans sa chambre pour le sécuriser. Le sevrage nocturne démarre, petit à petit. La première tétée se fait de plus en plus tard. Je passe par des montagnes russes émotionnelles : je suis triste, en colère, désemparée, démunie, j’ai cette impression de ne pas arriver à répondre aux besoins de mon enfant. J’aurais pu être plus forte ! Plus patiente ! Mais après 15 mois à ne pas dormir plus de 2h d’affilée, je craque. Je capitule.  Martin avait l’espoir que ce semi sevrage nocturne améliore les nuits, mais pas du tout. Léonard se réveille encore, et doit être bercé par son papa pour se rendormir. Martin s’épuise aussi, à faire des squats plusieurs fois par nuit. Puis avec l’aide d’une pédopsy, on décide de passer au sevrage nocturne complet. J'ai besoin de dormir. J’explique à Léonard un dimanche soir, que cette nuit, il n’y aura pas de tétée, car maman a besoin de se reposer et qu’il dormira mieux sans la tétée. Et il me dit “Pu tétée”. Les larmes sont montées, j’ai compris que c’était la fin des tétées nocturnes, ces moments privilégiés que j’ai chéri autant que que je les ai détestés. Une page qui se tourne, mon bébé qui grandit. Et moi qui grandit avec lui.

Au moment où j'écris ces lignes, Léonard a 21 mois. Il n’y a plus de tétées la nuit depuis 10 jours, les nuits s’améliorent doucement, même si il se réveille encore 2 ou 3 fois. Je suis fière du chemin parcouru, je n’écoute plus les “tu vas l’allaiter jusqu’à quand ?”, je suis mon intuition, j’apprends à écouter mes besoins, mon couple. Et je continue d’éprouver un plaisir immense à allaiter mon bambin et de jongler entre tétées nutritives, tétées bobo, tétées réconfort, tétées soif, tétées câlins, tétée accrobatiques, tétée dans le bain… C’est une de mes plus belles aventures !

 




Pour vous accompagner dans la préparation de votre allaitement, j'ai créé une Box Allaitement dédiée à cette aventure si particulière. A l'intérieur, vous retrouverez le Guide L'Allaitement qui regroupe toutes les informations essentielles pour réussir son projet d'allaitement ! Contenu de la box et du guide validé par une sage-femme et une diététicienne périnatale, diplômée en lactation humaine.



Découvrir la box l'Allaitement

Découvrir le guide sur l'Allaitement

Retour au blog

Laisser un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être publiés.

Se préparer autrement à la naissance & à la parentalité ♥️

Le savoir c'est le pouvoir

Mamazoa, c'est un concept unique de box trimestrielle qui associe le plaisir de prendre un temps pour soi (avec des produits engagés) et la joie de se sentir en confiance, pleinement informée sur toutes les étapes de sa maternité (avec les guides éclairants, validés par 2 pros de santé).

Découvrir la box